Un programme de formation basé en Allemagne a été mis en place en 2009 pour lutter contre la fuite des cerveaux qui handicape les universités en République démocratique du Congo. Il a déjà produit sept professeurs, et des dizaines d'autres arriveront bientôt.
Aujourd'hui, les universités de la République démocratique du Congo (RDC) ont un besoin urgent de professeurs. En l'absence de mesures politiques visant à renouveler le personnel académique qui vieillit et à améliorer les conditions de travail ainsi qu'à transformer les méthodes périmées d'enseignement, la profession n'attire plus les jeunes. De nombreux postes universitaires sont donc vacants.
De nombreuses universités, principalement en province, fonctionnent souvent uniquement grâce à des professeurs invités, qui viennent de l'étranger ou d'autres institutions nationales. L'année universitaire n'est pas toujours respectée et les programmes d'études supérieures ne sont pas organisés partout.
Une profession dévaluée
Les salaires des professeurs sont payés régulièrement, et ils ont même été augmentés après plusieurs grèves. Toutefois, la profession en tant que telle a été totalement dévaluée. L'enseignement supérieur au Congo a échoué dans sa mission de développer l'autonomie, les projets de carrière et de vie, la coopération, l'innovation, l'expression individuelle et l'autonomie. Sans le soutien de la famille, l'accès à l'éducation est impossible. Beaucoup de gens n'ont pas les moyens d'assumer les coûts élevés des études et ne peuvent espérer obtenir d'aide de la part du gouvernement.
Lancé en 2008, le Programme de bourses d'excellence BEBUC (Bourse d'Excellence Bringmann aux Universités Congolaises) a mis en place un modèle éducatif innovant en RDC. L'objectif principal est de permettre l'accès à l'enseignement supérieur à des étudiants exceptionnels, en particulier aux femmes. Les boursiers poursuivent leurs études au Congo jusqu'en licence, et à l'étranger pour les niveaux supérieurs. Un programme d'études sur mesure et pertinent leur permet d'acquérir les prérequis nécessaires pour être admissibles à un poste de professeur à leur retour dans leur établissement d'origine.
Garder les meilleurs
Les nouveaux professeurs contribuent à la mise en œuvre de recherches adaptées, à l'amélioration et à l'harmonisation des programmes d'études pour assurer une éducation de qualité. Avec le rajeunissement de l'environnement de l'enseignement supérieur congolais, la disponibilité d'une main-d'œuvre professionnelle qualifiée augmentera progressivement pour répondre aux besoins urgents de nourriture, de santé, de paix et de sécurité. En retenant d'excellents jeunes dans les institutions nationales pour reprendre les postes académiques vacants, BEBUC favorise le développement humain et la réduction de la pauvreté.
Pour organiser le programme de bourses d'excellence initié par Gerhard Bringmann, de l'université de Würzburg, en Allemagne, avec Virima Mudogo, de l'université de Kinshasa, en RDC, l'ONG Förderverein Uni-Kinshasa e.V. (fUNIKIN) a été créée, en 2009. Compte tenu des progrès considérables réalisés par BEBUC, qui est passé de 4 étudiants en 2008 à 190 actuellement, le poste de directeur général a été créé en 2012. Il est occupé par Karine Ndjoko Ioset, de l'université de Würzburg et de l'université de Lubumbashi, en RDC, active dans le programme depuis 2009.
Des soutiens prestigieux
Aujourd'hui, fUNIKIN rassemble plus de 1 900 membres répartis dans 58 pays, dont des professeurs prestigieux tel Roald Hoffmann, Prix Nobel 1981. BEBUC collabore avec 16 universités et 9 écoles congolaises.
Le concept a convaincu l'université de Würzburg, qui a signé des accords de partenariat avec les 25 institutions congolaises concernées. Leurs chercheurs bénéficient d'un accès gratuit à la bibliothèque en ligne de Würzburg.
Financement par des mécènes et des fondations
BEBUC est financé par des sponsors privés et des fondations. La plus grande partie provient de la fondation allemande Else-Kröner-Fresenius-Stiftung, qui soutient BEBUC depuis 2010. La Fondation Holger-Pöhlmann finance des formations pratiques, des colloques et des cours d'anglais.
Dans la mesure du possible, les boursiers sont invités à demander des bourses internationales auprès du DAAD, du PAU, de la NRF de l'Afrique du Sud, de Bayer, de Norvartis, de Fulbright, de Chevening, des gouvernements français, sud-coréen, russe, chinois et autres. Ce succès témoigne de leur qualité et renforce leurs capacités de coopération internationale.
Une sélection sévère et continue
Pour devenir boursier de BEBUC, les candidats doivent concourir. La sélection est difficile et compétitive, mais elle est aussi équitable et responsable. Elle fait partie d'un concept bien optimisé - du candidat au professeur BEBUC, impliquant la présélection par le Comité Local, une évaluation orale au tableau noir, une critique constructive après l'entretien, de nouvelles évaluations chaque année, et, en particulier, le mentorat individuel tout au long du « pipeline » jusqu'à ce que les meilleurs des candidats atteignent leur poste.
Chaque année, le Comité international d'évaluation participe à des voyages de sélection dans tout le pays. Sa longue expérience et son expertise scientifique sont appréciées par les recteurs et les doyens - et par les candidats. Dans un environnement où la fraude et la corruption prévalent, les évaluations personnelles et les entretiens en face à face transparents de BEBUC sont dignes de confiance. La bourse d'études assure une éducation inclusive à tous les jeunes Congolais talentueux, quels que soient leur sexe, leur statut social, leur identité, leur origine ethnique et leurs désavantages physiques ou sociaux.
Un environnement renouvelé pour l'enseignement supérieur
Avec environ 190 jeunes universitaires, 34% de femmes et 7 premiers professeurs déjà nommés au Congo, BEBUC forme une communauté de scientifiques évoluant dans les universités du monde entier. Dans leurs institutions, ils sont organisés avec des porte parole élus démocratiquement. Le Conseil (le parlement des universitaires) élit un président, le Premier Président. Ce poste de direction est actuellement occupé par une femme, Tania Bishola, doctorante en biologie moléculaire à l'université d'Heidelberg, en Allemagne.
Les séminaires interdisciplinaires organisés localement dans les salles de BEBUC ou, virtuellement, pour les personnes extérieures, permettent aux chercheurs de développer des projets scientifiques communs. Un environnement prometteur pour l'enseignement supérieur est en train d'être créé par les jeunes du Congo. BEBUC favorise l'inclusion des femmes, ainsi que l'excellence, l'éthique, le leadership et la coopération internationale.
Karine Ndjoko Ioset et Gerhard Bringmann