En Afrique du Sud, l’un des pays les plus meurtris par le SIDA, les campagnes de prévention s’enchaînent. Mais l'efficacité n'est pas toujours au rendez-vous.
20 % : c’est la part estimée de personnes infectées par le virus du SIDA en Afrique du Sud. Le pays est le quatrième le plus touché au monde selon un récent rapport de l'ONU. Pour endiguer l’épidémie, le gouvernement met en place une série de campagnes de prévention au niveau national. Sont-elles réellement efficaces? L'étude des résultats de l'une d'elles montre qu'il convient de le vérifier au cas par cas.
En 2010, le HIV Counselling and Testing (HCT), organisme dépendant du ministère de la Santé, a organisé une campagne de prévention dans laquelle 26 000 hommes et femmes sud-africains ont été recrutés. Elle consistait en deux réunions de conseils, pour expliquer les risques d’infection, ainsi qu’en une batterie de tests de dépistage. L’équipe de Dorina Onoya, du Human Sciences Research Council et de l'université de Witswatersrand, à Johannesbourg, a en parallèle mené une étude sur la manière de se comporter des participants avant et après la campagne. Ils viennent de présenter leurs résultats.
Des chiffres décevants
Paradoxalement, les conduites à risque n’ont pas vraiment diminué. Parmi les participants aux tests, 62,3% ont affirmé ne pas avoir porté de protection lors de leur dernier rapport sexuel, contre 64,1% avant le début de la campagne. Une évolution trop faible pour y voir un réel progrès. Par ailleurs, ceux qui affirment avoir eu deux partenaires ou plus durant les 12 derniers mois passent de 8,8% à 10,6%. Une augmentation pour le moins paradoxale.
Mais le symbole de cette étude reste la connaissance du virus lui-même. 24,1% des personnes interrogées parmi celles qui avaient pris part aux sessions d’informations savaient différencier les croyances populaires erronées liées à la transmission et à la guérison de la maladie des connaissances médicales vérifiées. C'est seulement 4 % de plus que la population qui n'a jamais pris part à aucun programme de conseils sur les comportements à risque.
L'importance de la prudence
Dorina Onoya et ses collègues expliquent cette inefficacité de la campagne par son organisation. « La plupart des sessions de conseils se concentrent sur des informations vis-à-vis des tests, et peu sur la transmission du VIH et de la prévention », notent-ils dans leur article. Et ils proposent une piste d'amélioration : « pour renforcer la prévention du VIH du HCT, il est important de renforcer l’utilisation d’un modèle de conseil personnalisé sur la réduction des risques ».
Joanna Orne-Gliemann, de l'INSERM à Bordeaux, en France, explique toutefois qu’il faut rester prudent et pondérer les résultats de l’étude. « Le taux de non-utilisation du préservatif au dernier rapport sexuel peut être influencé par beaucoup de facteurs, tempère-t-elle. Par les campagnes de promotion, en effet, mais aussi par le type de relations conjugales, par la migration des populations rurales, ou par l'amélioration de l'accès au traitement antirétroviral par exemple. »
Une note d’espoir quand même : la prise de conscience des personnes testées vis-à-vis du traitement. Les chercheurs sud-africains ont en effet noté une augmentation de la proportion de personnes prêtes à se soigner après avoir été testées positives au VIH. Une bonne nouvelle pour la lutte contre le virus, d'autant que le gouvernement sud-africain a décidé l’été dernier de fournir un accès gratuit au traitement à toutes les personnes atteintes.
Référence : D. Onoya, et al., Public Health, 136, 152, 2016