Hépatite C : une éradication qui coûte cher

Un docteur de l'African Union Mission In Somalia lors d'un dépistage de l'hépatite C, du SIDA et du diabète. ©ODP VISIT

Éradiquer l’hépatite C avant 2030, tel était le plan de l’Organisation Mondiale de la Santé en 2016. De nombreux États africains sont hélas encore loin du compte, faute de dépenser les sommes nécessaires. Et le nombre de victimes continue d'augmenter.

Début novembre 2017, 21 spécialistes de l'hépatite C travaillant dans treize pays africains lancent ensemble un appel à leurs gouvernements. Ils leurs demandent de se mobiliser afin d’atteindre les objectif définis en 2016 par l’Organisation Mondiale de la Santé vis-à-vis de cette maladie : « réduire, d’ici à 2030, de 90% le nombre des nouveaux cas, et de 65% le nombre des décès dus à une hépatite virale ». En se fondant sur une synthèse des connaissances scientifiques, ces chercheurs affirment que ces objectifs sont réalistes, mais hélas encore loin d'être satisfaits.

L'éradication de l'hépatite C est aujourd’hui d’une importance critique. Chaque année, 1,5 million de personnes meurent des conséquences d'une hépatite virale, dont la moitié des suites d'une hépatite C. À titre de comparaison, le SIDA fait 1,78 million de victimes chaque année dans le monde.

Les principaux pays concernés sont au Sud : 70 % des malades vivent dans 17 d’entre eux, en Afrique, Asie et Amérique du Sud. Certains, telle l'Égypte, ont fait de la lutte contre le virus un enjeu national. Mais une majorité de pays semblent ne pas vouloir investir massivement, pariant sur une régression "naturelle" de l'épidémie au cours du temps, due à un ralentissement des contaminations. Quitte à assumer plusieurs centaines de milliers morts par défaut de soins.

 

Estimation en pourcentage de la population infectée en 2013 

Une maladie difficile a détecter

Entre 130 et 170 millions de personnes étaient infectées par le virus de l’hépatite C dans le monde en 2014 selon l’OMS (ce sont les données les plus récentes). La mortalité est plus difficile à établir : on ne meurt pas directement de l’hépatite C, mais plutôt de ses conséquences comme les cirrhoses ou les cancers du foie. Dans certaines régions, notamment rurales, la responsabilité de l'hépatite C dans un décès passe facilement inaperçue.

Le virus se transmet par voie sanguine, lors de transfusions, de transplantations ou, plus couramment, lors d'injections intraveineuses avec des aiguilles contaminées. Selon les chiffres de l’OMS, toujours, dans 15 à 45 % des cas, le virus est éliminé par le système immunitaire dans les 6 mois.

Dans les autres cas, le virus infecte des cellules du foie. Ces cellules infectées sont alors ciblées et éliminées par le système immunitaire. Ce processus créé des « cicatrices ». L’accumulation de ces cicatrices est appelée une fibrose : le fonctionnement du foie est affecté, mais à ce stade c'est encore réversible avec un traitement approprié.

De la fibrose à la cirrhose et au cancer

Au contraire, si elle n'est pas traitée, la fibrose prend de l’ampleur et dégénère en cirrhose. La cirrhose intervient lorsque la majorité des cellules du foie ont été détruites, ce qui entraine un dysfonctionnement des tissus de l’organe. Cela a notamment pour conséquence l’arrêt du fonctionnement du foie, la survenue d’hypertension. Dans les cas les plus graves, fragilisées par la maladie, certaines cellules de l’organe deviennent immortelles et se multiplient jusqu’à former un cancer primitif du foie, nommé carcinome hépatocellulaire.

Comment soigner l'hépatite C ? La principale difficulté est de poser un diagnostic assez précoce. La contamination est en effet asymptomatique. Sans une analyse sanguine, on ne la repère que difficilement avant le stade de la cirrhose, alors que 80 % des cellules du foie sont déjà touchées. Les premiers indices sont une perte d’appétit, de la fatigue ou encore des vomissements. Ils évoluent rapidement en jaunisse, en augmentation de la taille du foie ou encore en vomissements sanglants. À ce stade, il est souvent trop tard pour espérer une guérison.

Il n’existe contre l’hépatite C à l’heure actuelle aucun vaccin qui prémunirait de la contamination. En revanche, lorsque l'infection est détectée assez tôt, on dispose d'un traitement capable d'éliminer le virus en 12 semaines environ. On administre aux patients un mélange de molécules antivirales, qui ciblent le virus et l'empêchent de se multiplier. Cela laisse au système immunitaire le temps de faire son travail habituel : supprimer les cellules infectées tout en laissant le foie cicatriser.

Le coût du traitement baisse

Ce traitement est efficace à plus de 90 %. Il nécessite d’ingérer un ou deux comprimés par jour selon les formules. Le coût, assez élevé dans plusieurs pays, est en baisse constante grâce aux médicaments génériques. « En 2017 il avait déjà baissé et coûtait entre 500 et 1 000 dollars pour les trois mois, explique Richard Njouom, du Centre Pasteur du Cameroun. En 2018, le gouvernement négocie pour qu’il continue de baisser. »

Les moyens d'action pour réduire les épidémies sont donc connus. Cependant, le nombre de morts annuel à cause de l'hépatite C diminue trop lentement. D’où l’appel des 21 chercheurs africains publié dans la revue scientifique The Lancet Gastroenterology & Hepatology. Outre la nécessité de faciliter l’accès au traitement, ces spécialistes insistent sur deux points, indissociables : la sensibilisation et le dépistage.

Ils appellent ainsi en premier lieu à la sensibilisation du personnel médical et des populations. Des campagnes existent, mais elles ne sont pas suffisamment financées. Richard Njouom partage ce point de vue et ajoute : « le dépistage est également une priorité absolue. C’est par là que passe l’éradication rapide de la maladie ».

« Nous savons ce que nous devons faire, comment et quand nous devons le faire. Mais pour l’instant les décideurs font la sourde oreille » explique Mark Sonderup, de l’université du Cap, en Afrique du Sud, l’un des auteurs de l’étude. L'efficacité des campagnes de sensibilisation et de dépistage menées en Occident et même, en Égypte, autrefois l'un des pays africains les plus touchés, est bien démontrée.

Un recul spectaculaire de l'hépatite C en Égypte

Ce pays fait d'ailleurs figure d'exemple à suivre. En 2008, la prévalence de l’hépatite C y était la plus élevée au monde : autour de 20 % de la population était touché. Aujourd'hui, les responsables de la santé publique tablent sur une éradication totale d'ici quelques années. Vaincre l'hépatite C n'est pas qu'une lubie de l'OMS!

En Égypte, l'hépatite C s'est répandue à grande vitesse dans les années 1950 et 1960 à cause d'une campagne de traitement d'une maladie parasitaire, la bilharziose. Les injections intraveineuses administrées massivement à la population dans ce cadre ont été faites alors avec une stérilisation insuffisante des seringues, qui étaient ré-utilisées. Le virus de l'hépatite C n'attendait que cela!

Face à l’épidémie qui touchait encore près d’un quart de la population dans certaines région comme le nord du pays en 2008, le gouvernement s’est décidé à agir. De nombreux centres de recherche et de soins de haut niveau pour éradiquer la maladie dans le pays ont ainsi été créés. Selon Imam Waked, du National Liver Institute de Shibin El Kom, en Égypte, ce qui fait la force de ce plan anti hépatite C, c’est que la prise de conscience a touché non seulement le gouvernement, mais aussi toute la population.

L'importance des médicaments génériques

De plus, des médicaments génériques peu coûteux, ont été mis au point et produits dans le pays. Le traitement de 12 semaines coûte environ 100 dollars, bien moins que dans les autres pays du continent. 1,5 million de personnes ont été traitées sur les 3 dernières années, avec un taux de réussite de 95 % selon Imam Waked.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Lors du dernier sommet mondial sur l’hépatite C organisé en 2017 à Sao Paulo, au Brésil, une liste de pays endémiques qui arriveront à éradiquer la maladie d’ici 2030 a été publiée. Sur ces 9 pays, l’Egypte est le seul situé en Afrique.

Cette réussite égyptienne pourrait-elle inspirer d'autres pays d’Afrique? Ce n'est pas si certain… Notamment en raison du coût. Pour atteindre ses objectifs, le Comité National Égyptien pour le Contrôle des Hépatites Virales a dépensé 80 millions de dollars par an entre 2008 et 2012.

L'arrêt des contaminations peut-il suffire?

En outre, certains États africains semblent vouloir jouer la montre, tout en éradiquant la maladie sur le long terme. Le principal motif d’espoir réside ici dans l'essoufflement lui-même de la maladie.

Ainsi, en Afrique centrale, ce sont les personnes les plus âgées qui sont le plus infectées. À partir des années 1960, les premières prises de conscience vis-à-vis des vaccins, de la stérilisation ont commencé à réduire le nombre de nouvelles infections. Plus on est jeune, moins l’on a donc de risque d’avoir été infecté.

Aujourd’hui, dans la région, la principale source de contamination est l'hémodialyse selon Richard Njouom. Ce traitement d’épuration du sang, utilisé en cas d’insuffisance rénale, malgré les nettoyages et les précautions, entraine parfois un mélange de sang, et une infection. Ce mode d’infection représente l’un des derniers grands risques.

Le pari risqué d'une disparition "naturelle"

La maladie n’est pas transmissible de la mère à l’enfant, ou par voie sexuelle. Ainsi, avec les contrôles sanitaires qui sont désormais en place, il est plus qu’envisageable de voir l’épidémie d’hépatite C diminuer de manière drastique sur le long terme. Et ce, même sans la découverte d’un vaccin ni diffusion massive des traitements. De ce fait, même si les États n’augmentent pas les moyens alloués à ce problème, la maladie est amenée à disparaître.

Cependant cela n’est pas considéré comme une vraie victoire dans le camp des médecins. On ne sait pas précisément quand interviendrait cette disparition. En l’état actuel des connaissances, on peut prédire que ce ne sera pas d'ici 2030, voire dans les décennies suivantes. Pendant ce temps, l'inaction risque bien de sacrifier des centaines de milliers de malades.

Anthony Audureau

Source : M. Sonderup et al., Lancet Gastroenterol. Hepatol., 2, 910, 2010.

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