Olumide Odeyemi

Pour mieux préserver les aliments, utilisons la technologie

La science permet de comprendre les mécanismes d'altération des aliments, et de trouver des solutions pour s'en prémunir.

En 2015, les Nations Unies ont adopté 17 objectifs de développement durable (ODD) pour relever les défis politiques, environnementaux et socio-économiques les plus pressants de la planète d'ici 2030. Parmi ces objectifs figure la tâche ambitieuse de fournir une alimentation de qualité à chacun, sans distinction de race, de sexe, de nationalité, de situation géographique, de niveau d'éducation ou de statut social.

Des développements économiques et agricoles importants nous ont rapprochés de cet objectif de sécurité alimentaire. Par exemple, l'augmentation de l'accès aux cultures d'OGM a augmenté les rendements dans de nombreux pays en développement, ce qui a permis d'augmenter les revenus et de fournir davantage de nourriture aux personnes souffrant de la faim.

Trop de nourriture est gâchée

Mais le problème est loin d'être résolu. Selon les Nations Unies, plus de 830 millions de personnes souffrent de malnutrition dans le monde, soit une augmentation significative par rapport à 2015 (784 millions).

Ces chiffres sont souvent utilisés pour défendre l'idée que nous devons continuer à augmenter la production alimentaire dans le monde en développement. Cela est certainement vrai, toutefois le pourrissement des aliments est l'une des principales causes de la faim dans le monde, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Nous devons donc utiliser les outils scientifiques les plus récents non seulement pour augmenter les rendements des cultures, mais aussi pour préserver la sécurité, la qualité et la durée de conservation des aliments que nous produisons déjà, afin qu'ils puissent bénéficier aux personnes démunies qui en ont besoin.

Comment les produits de la mer sont avariés par les microorganismes

La mesure la plus importante que nous pouvons prendre pour surmonter ce défi est d'étudier les causes et les mécanismes de la détérioration des aliments. Au cours des quatre dernières années, mes recherches ont été axées sur la compréhension des mécanismes qui sous-tendent la détérioration causée par les microorganismes. Cette compréhension aide d'autres chercheurs à concevoir des interventions préventives qui prolongent la durée de conservation des aliments.

C'est particulièrement important pour les produits de la mer, car le poisson est une source importante de protéines et d'autres nutriments nécessaires au bon développement de l'homme, et il est très périssable.

La manutention et l'emballage après la pêche sont très importants dans l'allongement de la durée de conservation des produits de la mer. Par exemple, avec mes collègues, nous avons démontré qu'une température d'entreposage stable de 4°C est cruciale pour maintenir la qualité des produits de la mer lorsqu'ils sont emballés.

Des indicateurs chimiques de fraîcheur

Nous avons aussi constaté que divers produits chimiques émanant des emballages sont des indicateurs de fraîcheur ou de détérioration. Les produits identifiés comme indicateurs de fraîcheur ont été observés au début de la période d'entreposage jusqu'au dixième jour. Ces substances (des composés volatiles) disparaissaient au cours du stockage, tandis que les molécules associées à la détérioration augmentaient.

Nous avons également élaboré un prototype d'outil utilisable pour évaluer la qualité et la durée de conservation de fruits de mer vivants. Un tel outil n'a jamais été déployé auparavant et sera utile tant aux producteurs qu'aux consommateurs qui doivent déterminer la fraîcheur des fruits de mer avant de les vendre ou de les acheter. L'outil pourrait également être intégré à une application mobile utilisable par n'importe qui, quel que soit l'endroit où il se trouve.

L'eau à l'origine de la détérioration des aliments

Dans une autre étude publiée, nous avons observé que l'eau ajoutée aux emballages pour aider à conserver les fruits de mer pourrait être une source de microorganismes facilitant la décomposition. Lorsque des fruits de mer vivants expulsent des déchets dans l'eau du sachet, l'eau est contaminée et sert de milieu biologique pour la croissance de bactéries telles que Shewanella et Acidaminococcus. Celles-ci entrent en compétition avec les fruits de mer pour l'oxygène, ce qui peut les tuer et réduire leur durée de conservation.

Les résultats de ces études montrent que de nombreux facteurs contribuent à l'altération des aliments, en particulier des fruits de mer. Cette complexité nécessite donc des solutions fondées sur la science afin de mieux préserver les aliments.

Les promesses des biocapteurs

Les emballages alimentaires portant des biocapteurs sont l'une de ces solutions prometteuses. Les biocapteurs, sous forme de film ou de papier, détectent la présence de substances chimiques ou biologiques par la production de signaux. Diverses études ont montré que des biocapteurs peuvent être incorporés dans les emballages alimentaires pour détecter le début de la détérioration des aliments.

Selon les auteurs d'une revue des recherches sur le sujet publiée en décembre 2019,

« De nouveaux nanomatériaux ayant une activité analogue à celle des enzymes, les nanozymes, ont été utilisés pour le développement de nouveaux biocapteurs, ce qui a considérablement accéléré les progrès en matière de vérification de la sécurité alimentaire. »

La biotechnologie à l'aide

Les auteurs poursuivent en soulignant que cette technologie peut être utilisée pour détecter des contaminants « y compris les mycotoxines, les antibiotiques, les pesticides, les agents pathogènes, l'adultération intentionnelle [et] les ions métalliques... » Les biocapteurs ne sont pas encore très utilisés par l'industrie alimentaire, en grande partie à cause de leurs coûts de fabrication et d'incorporation dans les produits. Pourtant, la demande existe.

Heureusement, la biotechnologie pourrait contribuer à atténuer ces difficultés. La modification génétique des plantes, par exemple, a été utilisée pour éliminer l'enzyme polygalacturonase qui contribue au ramollissement des fruits mûrs comme la tomate, ce qui a permis d'en prolonger la durée de conservation. Comme le souligne la FAO :

« À l'avenir, le génie génétique pourrait être utilisé pour éliminer les éléments de la plante qui causent une détérioration précoce de la récolte. Par exemple, une technique visant à réduire la présence d'une enzyme normale de la tomate impliquée dans le ramollissement des fruits mûrs a été brevetée. Cette technique consiste à modifier des plantes avec un gène de manière à réduire sensiblement la production de l'enzyme. »

Des bactéries pour lutter contre des bactéries

La biotechnologie offre aussi un moyen naturel d'améliorer la sécurité et la qualité des aliments, en utilisant des micro-organismes bénéfiques et leurs métabolites, sans altérer la fraîcheur et la qualité des aliments. Par exemple, des acides organiques naturels (acide lactique et acide acétique) produits par les bactéries lactiques présentes dans le yogourt aident à prévenir la détérioration des aliments. L'acide produit par ces bactéries rend le yogourt trop acide pour que les bactéries d'altération puissent survivre. Ces bactéries ont également été utilisées pour la conservation biologique de viande, de boissons et de légumes.

L'élimination de la faim dans le monde est une tâche monumentale. Mais grâce à des innovations technologiques, nous nourrissons un nombre toujours croissant de personnes dans le monde.

« Le monde a fait de grands progrès dans la réduction de la faim, écrit l'ONU. Le nombre de personnes souffrant de la faim s'est réduit de 216 millions par rapport à 1990-92, malgré une augmentation de 1,9 milliard de la population mondiale. » Pour faire le reste du chemin d'ici 2030, il faudra que les chercheurs, les industries, les gouvernements et les organisations non gouvernementales déploient des efforts concertés et utilisent toutes les innovations que nous pourrons rassembler.

Ce billet a débord été publié dans Genetic Literacy Project. Il a été traduit en français par Afriscitech.

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