Revenir en Afrique pour faire de la science n'est pas si facile, quand on considère l'environnement de travail et le soutien financier. Il peut être utile de travailler sa motivation, et de conserver de bonnes relations avec des laboratoires en Europe ou en Amérique.
« C'est en Afrique que sont les meilleures opportunités pour faire de la recherche en ce moment » : telle est la conviction profonde d'Olanike Adeyemo de l'université d'Ibadan, au Nigeria. Par exemple, poursuit-elle l'éruption d'Ebola, en 2016, a montré aux pays africains et au monde entier que les frontières n'existent plus pour la recherche en santé, où la collaboration internationale est nécessaire.
Lors de la conférence Jeunes scientifiques africains en Europe (YASE 2018), qui s'est tenue en préambule d'EuroScience Open Forum (ESOF) à Toulouse, en France, le 6 juillet 2018, des chercheurs africains ont partagé leurs expériences à leur retour en Afrique, leurs motivations et les opportunités qu'offre l'Afrique.
Qui veut vraiment coopérer ?
« Collaborez, ne mendiez pas », dit O. Adeyemo, qui souligne que de nombreux pays ont besoin de collaborer avec l'Afrique. « Beaucoup de pays européens sont au maximum de leur capacité de recherche, ils ont besoin de vous pour faire de la recherche en Afrique », précise-t-elle.
Elle souligne que, pour travailler en Afrique, un chercheur doit changer et s'adapter au contexte, mais qu'il doit maintenir les normes de qualité afin que la recherche qui vient d'Afrique soit reconnue.
Soutien financier pour le retour
Amr Adly, vice-ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique pour les Affaires Universitaires en Égypte, est un décideur politique, mais il a commencé sa carrière comme chercheur. Il est retourné dans son pays d'origine bien qu'il avait reçu aux États-Unis une Carte verte en tant qu'« individu aux capacités exceptionnelles ». Il a déclaré aux jeunes chercheurs réunis que son retour était motivé par l'amour de son pays et l'envie de contribuer à la recherche scientifique égyptienne.
L'organisatrice et animatrice de la session, Ghada Bassioni, de l'université Ain Shams du Caire, en Égypte, a demandé à A. Adly ce que faisait le gouvernement égyptien pour empêcher la « fuite des cerveaux » des chercheurs africains. Celui-ci a reconnu que les ressources sont très importantes pour un chercheur et peuvent souvent déterminer s'il rentre ou pas ; c'est pourquoi l'Égypte offre un soutien financier aux jeunes chercheurs.
Utiliser des ressources restreintes
Les gouvernements africains devraient être motivés pour retenir leurs jeunes chercheurs, selon A. Adly. Il a en effet affirmé que la richesse et l'avenir de l'Afrique sont entre les mains des talents africains et que, pour que le continent puisse se développer, les jeunes chercheurs doivent être soutenus. « La recherche fondamentale qui se fait aujourd'hui en Afrique signifie que l'Afrique sera propriétaire de la technologie du futur », a-t-il ajouté.
Sur le continent, les ressources peuvent être difficiles à trouver, ce qui peut ralentir la recherche et le développement. Toutefois, A. Adly considère que cela peut aussi être une opportunité. « Si vous ne pouvez pas atteindre vos objectifs avec des ressources restreintes, vous ne serez pas en mesure d'utiliser des ressources plus importantes », a-t-il dit.
Tirez le meilleur parti de ce que vous avez
De retour en Égypte comme qu'ingénieur en électromagnétisme, il a construit son propre équipement et a utilisé les talents et l'enthousiasme des étudiants de premier cycle pour tirer le meilleur parti du peu qu'il avait. « N'attendez pas que l'on vous aide, vous avez toujours suffisamment pour commencer quelque chose », a-t-il recommandé.
D'autres conditions et opportunités qui attendent les chercheurs en Afrique ont été débattues dans la suite de la session.
Maintenir les connexions européennes
« Classiquement, les motivations pour retourner en Afrique ou non sont d'ordre économiques », a déclaré Regina Maphanga du Conseil sud-africain pour la recherche scientifique et industrielle (CSIR). Spécialiste des matériaux et travaillant avec de gros moyens informatiques, R. Maphanga a précisé qu'elle a pu retourner en Afrique du Sud parce qu'elle a utilisé ses connexions européennes pour accéder aux équipements de ce continent.
Les jeunes chercheurs de l'auditoire ont demandé comment collaborer avec la diaspora africaine, comment s'assurer qu'une collaboration est équitable et juste, et si la recherche fondamentale est utile pour l'avenir du continent.
Où est la diaspora ?
Sur la question des collaborations avec la diaspora africaine, O. Adeyemo a déploré que celle-ci ne soit pas toujours facilement visible pour de telles collaborations, et a appelé à agir pour y remédier.
R. Maphanga a répondu à la question de l'équité et de la justice dans les collaborations entre l'Afrique et l'Europe en disant que la collaboration avec l'Afrique est devenue une exigence de financement pour certains chercheurs en Europe. A. Adly a ajouté que certaines recherches ne peuvent être menées qu'en Afrique, comme la recherche sur le VIH en Afrique du Sud, ou la recherche sur le virus du Nil en Égypte.
Détermination indispensable
« Certains chercheurs européens veulent collaborer avec vous, mais ce n'est pas toujours vrai dans l'autre sens », a-t-il poursuivi.
Retourner en Afrique peut sembler intimidant pour certains chercheurs, mais les intervenants de YASE 2018 ont convenu que les compétences nécessaires pour réussir en Afrique sont la détermination à faire fonctionner les choses, l'amour pour son pays et pour l'Afrique, et l'utilisation des connexions établies pendant le séjour en Europe.
Sibusiso Biyela, ScienceLink