Qui êtes-vous ?
Professeur Isabelle Adolé Glitho, faculté des sciences à l’université de Lomé. Je suis l’ancienne doyenne de cette faculté. Et je suis dans cette conférence YASE en tant que présidente du comité scientifique.
Pourquoi les jeunes chercheurs africains ne reviennent-ils pas après leur formation ?
On ne peut pas dire que les jeunes chercheurs ne retournent pas chez eux puisque, vous avez vu le sondage qu’on a fait, il y a des jeunes chercheurs qui retournent chez eux. Ceux qui ont compris comment retourner et trouver du travail retournent généralement chez eux. Les autres, presque 90 %, ne retournent pas. Soit parce qu’ils ont trouvé mieux : ils sont mieux payés, ils ont été récupérés par l’université d’accueil qui les a formés, et ils restent dans la structure qui les a formés, parce qu’ils ont un équipement de choix pour continuer leur recherche et pour évoluer. Certains ne retournent pas tout simplement parce qu’ils ne savent pas comment retourner. Parce qu’ils manquent d’informations. Ils ne savent pas à qui s’adresser lorsqu’ils retournent chez eux, pour être sûrs d’être employés. La peur de l’inconnu les amnène à rester à l’extérieur même si les conditions sont difficiles. Pour nous dans cette conférence, c’est d’essayer de discuter avec les jeunes, et leur montrer des astuces, leur donner des informations, leur montrer les portes qu’il faut ouvrir pour pouvoir rentrer en sécurité, pour pouvoir rentrer et trouver du travail. Vous ne pouvez pas demander à un jeune de rentrer s’il n’est pas sûr de trouver un travail.
Les pays africains sont-ils structurellement préparés pour accueillir ces jeunes chercheurs africains formés en Europe ?
Je pense que tous les pays au sud du Sahara ont mis en place un programme « diaspora ». Et ce programme « diaspora » est généralement tenu par les Premiers Ministres des États. C’est dire à quel point le retour de la diaspora, ou le partenariat avec la diaspora, est un problème important pour nos États. Maintenant, est-ce que tout est mis en place pour que nos jeunes puissent rentrer massivement ? C’est difficile. Dans l’état actuel, nous avons mis en place des politiques de recherche, et dans certains pays, ces politiques n’existent même pas encore. Nous sommes en train de restructurer l’enseignement supérieur et la recherche. Il n’y a pas si longtemps, la plupart des États se sont réunis pour déclarer que la recherche et l’enseignement supérieur étaient une priorité pour l’Afrique. A partir de maintenant, je crois que les États vont devoir mettre de l’argent dans la recherche et dans l’enseignement supérieur. J’espère que d’ici quelques années, nos jeunes auront en face d’eux des structures de recherche suffisament structurées, suffisament équipées, pour qu’ils n’hésitent plus à rentrer chez eux. De toutes façons, nos écoles doctorales maintenant sont structurées, nous avons des collèges doctoraux, qui sont régionaux. Donc nous mettons en place des choses qui vont attirer nos jeunes. Tous ne rentreront pas, il faut en être sûr, mais ceux qui pourront rentrer rentreront. Et surtout ceux qui resteront continueront, en partenariat, à travailler avec leur pays.
Propos recueillis par Jean-Bruno Tagne