Qui êtes-vous ?
Je suis Mamadou Gouro Sidibé, docteur en informatique. Je suis originaire du Mali. J’ai fait mes études de doctorat en France. Je suis créateur de Lenali, premier réseau social au monde qui est totalement vocal et qui parle les langues locales africaines.
Parlez-nous de Lenali.
Il y a plusieurs réseaux sociaux déjà, et ils sont très populaires. Mais ils sont très populaires parmi les populations les plus connectées et les plus alphabétisées. Au Mali, seulement 40 % de la population sait lire et écrire. Et dans beaucoup de pays d’Afrique, la situation n’est pas vraiment meilleure. Et dans nos pays, il y a une multitude de langues. J’imagine qu’au Cameroun, il y a plus de 250 dialectes. Il y a un troisième facteur, c’est que l’oralité est une culture. Je me dis que les réseaux sociaux actuels, tels quels, ne pourront pas toucher l’ensemble des populations africaines parce que l’ADN de ces réseau sociaux ne tient pas compte des réalités socio-culturelles et économiques africaines. Voilà pourquoi Lenali a été créé. Il permet de choisir sa langue au début, sa langue locale, de recevoir des instructions vocales, ensuite de créer vocalement son profil et de faire des publications vocales, des publications avec des photos sonores, des commentaires vocaux. En clair, tout ce qu’on peut faire avec tous les réseaux sociaux existants, mais sans jamais avoir besoin d’écrire un seul mot. L’idée, qu’on soit instruit ou non, c’est de pouvoir se servir de ces outils là. Et une fois permis l’accès à l’outil numérique des populations locales, on peut amener l’alphabétisation, et tous les autres outils de développement.
Comment s’est passé votre retour en Afrique ?
Dans beaucoup de pays ce n’est pas simple d’avoir des aides d’amorçage. Parce que le plus difficile au début, quand on a une bonne idée : comment on fait pour payer les premières ressources, que ce soit matériel, que ce soit immobilières et tout ce qu’il faut ? Comment payer les salaires ? Il faut forcément un fond d’amorçage. On n’en a pas toujours. Et tout le monde ne peut pas bénéficier des aides. Pour ma part, j’ai tout simplement mis l’argent familial et l’argent des amis là-dedans, ce que l’on appelle « love money », c’est-à-dire les gens qui vous aiment et vous donnent de l’argent. Donc c’est comme cela que j’ai commencé. Et je suis allé comme ça, un peu fou, un peu aventurier, parce que je croyais à mon idée, je croyais au projet, et j’ai pu entraîner avec moi d’autres jeunes africains. Parce que mon équipe, ce ne sont pas seulement des Maliens. Il y a des Sénégalais, il y a des Togolais, il y a des Rwandais, et il y en aura d’autres avec le temps. Donc c’était très difficile ce retour là. Mais on a persévéré et on commence à voir la lumière au bout du tunnel.
Propos recueillis par Jean-Bruno Tagne