La formation des étudiants de troisième cycle devrait combiner la recherche fondamentale et la capacité d'avoir un impact social.

Le défi intellectuel de la recherche scientifique sans but prédéfini est énorme : pour de nombreux physiciens, la nécessité de trouver les principes de base qui régissent l'univers stimule l'imagination, et le travail acharné, jusque tard dans la nuit.

Pouvons-nous nous permettre cela lorsque nous vivons avec les défis de la pauvreté, du chômage et de bien d’autres risques pour la population ?

La recherche appliquée pour des réponses rapides

La recherche industrielle appliquée, dirigée, offre des défis absorbants et engageants ainsi que des récompenses pratiques. Ici, nous sommes confrontés à la nécessité de trouver des réponses. Ici, nous sommes poussés à trouver un moyen d'accomplir quelque chose rapidement, pour une mise en œuvre, avec les défis que représente la mise sur le marché d'un produit - et donc, la compréhension du marché avant de commencer.

Mais ne courons-nous pas le risque de perdre les étudiants les plus brillants et les meilleurs au profit d'autres pays si nous ne libérons pas leurs capacités ici même en Afrique, pendant la période où ils apprennent et se développent le plus rapidement ?

La recherche sans but prédéfini apporte de nouvelles idées

Nithaya Chetty, de l'université du Witwatersrand, en Afrique du Sud, aborde ce dilemme dans son récent article « Réinventer l'inventivité dans la science », en posant la question suivante : « Étant donné les dépenses énormes qu'implique le soutien à la recherche dans les universités et nos installations nationales, en particulier dans un pays en développement comme l'Afrique du Sud, il semble juste de se demander : "Pourquoi la société, et plus particulièrement les contribuables, devraient-ils soutenir la recherche scientifique sans but prédéfini ?" »

Une grande partie de la science progresse par petites étapes, en particulier dans un monde où les résultats sont plubliés au rythme des subventions de recherche. N. Chetty soutient que nous devons bien sûr faire de la recherche appliquée et industrielle, mais pas à l'exclusion de la recherche guidée par la curiosité, car le danger est que « nous serions à court d'idées scientifiques vraiment nouvelles à appliquer à nos problèmes de société. Nous détruirions la source de jeunes diplômés de grande qualité ayant la capacité et la polyvalence nécessaires pour s'orienter vers une recherche industrielle appliquée et dirigée et nous détruirions ainsi l'ensemble de l'entreprise scientifique. »

La formation des étudiants de troisième cycle

Il ne fait aucun doute que le troisième cycle universitaire est la période où le scientifique développe une pensée critique indépendante et où la polyvalence intellectuelle s'épanouit, notamment parce que les individus entrent dans cette phase à l'aube de l'âge adulte. Cette période vitale est celle où les compétences transférables sont acquises, où les aptitudes naturelles s'épanouissent et où le scientifique émerge en cherchant des moyens de transférer cette sagesse dans des environnements professionnels difficiles.

Ainsi, selon les termes de Chetty, « La formation des étudiants de troisième cycle dans un environnement de recherche ouvert est vitale pour leur développement personnel. ... Ainsi, la question se pose de savoir comment nous pouvons être plus créatifs dans la formation des étudiants de troisième cycle afin que les diplômés puissent avoir un impact plus positif sur la société sans porter atteinte à l'éthique même nécessaire pour soutenir la science dans le futur. »

Les leçons de la crise de la COVID

L'article a été publié en mars 2020, juste au moment où l'Afrique du Sud est entrée en confinement. Ces idées ont été mises l’épreuve à partir de ce mois-là. Non seulement le virus du SRAS-CoV-2 a recouvert le monde entier, mais les résultats scientifiques ont été immédiatement disponibles en ligne, conformément aux meilleurs principes de l’accès ouvert.

Des scientifiques de toutes les disciplines ont répondu à l'appel à l'aide. Au premier rang se trouvaient les étudiants de troisième cycle, dont des physiciens théoriciens et des radioastronomes, qui ont fabriqué des équipements de ventilation et négocié avec les sponsors et les distributeurs, qui ont fait les calculs des essais de groupes et se sont familiarisés avec les essais cliniques, et qui se sont adaptés pour comprendre à la fois l'épidémiologie et la communication avec les médecins. La polyvalence de ces diplômés est un hommage à leurs grandes capacités et à leur volonté d'avoir un impact non seulement dans le milieu universitaire mais aussi pour sauver des vies.

N. Chetty considère qu'une formation de qualité pour les étudiants de troisième cycle est un rouage essentiel du développement de la société, car elle permet de mener des carrières fructueuses et d'apporter une contribution significative à la société.

Revue par Igle Gledhill, Université du Witwatersrand, Afrique du Sud

Cet article a d'abord été publié par la Lettre d'informations de la physique africaine - © American Physical Society. Il a été traduit en français par Afriscitech.